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La Souffleuse

« comme le sens a besoin des mots, ainsi les mots ont besoin de notre voix »

14 Juillet

© Giovanni Cittadini Cesi, photo de presse du Théâtre du Rond-Point

Après avoir pénétré dans une salle intimiste du théâtre du Rond-Point, rideaux bleus, sièges en estrade dont la capacité d’accueil doit être d’une centaine de postérieurs, le spectateur attend l’entrée en scène de Fabrice Adde. Une douce musique aux effluves d’Amérique latine emplit l’espace. Soudain, baskets rouges, costume beige trop grand, raie sur le côté et lunettes transparentes, Jacky entre en scène. Ou bien est-ce Fabrice. Ou les deux à la fois. Difficile de savoir où s’arrête le réel, où commence la fiction (« la vraie vie » selon Proust) et l’acteur s’en donne à cœur joie. Peu tendre envers sa profession, il exploite jusqu’au bout la maladie du comédien, trouble de l’identité qui le pousse à incarner son personnage dans la rue, avec les gens, jusque dans l’intimité (ou le complexe d’Œdipe revisité dans les éclats de rire). Le monde du théâtre au complet se fait d’ailleurs refaire le portrait, du scénographe au metteur en scène, vrais snobs (« Je le jouerai plus en-dessous, tu vois ») et fausses victimes de la mode (comme celle de l’omniprésence de la captation vidéo sur scène), en passant par le directeur du théâtre et le chargé en communication. Les planches semblent un lieu bien censuré pour qui veut s’exprimer hors des clous. (suite…)

Britannicus

© Brigitte Enguérand, photo de presse de la Comédie-Française

D’Agrippine, de Junie ou d’Octavie, quel nom choisir pour esquisser le sujet imprévu du Britannicus de Racine : les femmes ? La mise en scène de Stéphane Braunschweig épouse l’étrange paradoxe de cette lutte fratricide pourtant délivrée par la main de ces exclues omniprésentes. Agrippine, convaincante Dominique Blanc, ouvre le chant du « monstre naissant »1 dans l’antichambre du pouvoir : cependant, si cette tragédie a souvent été présentée comme intimiste, préférant à la tribune les coulisses, son sujet n’en demeure pas moins hautement politique et il serait ici dommage de dissocier l’affaire de famille et l’affaire d’Etat. Le squelette de la table ovale désertée, où siègent d’habitude les ministres, tantôt apparaissant de front ou obscurcie d’un voile trompeur, demeure le lieu de décisions et d’actions qui auront une répercussion publique indéniable. Les personnages féminins structurent les relations entre les hommes et ne sont pas de simples prétextes à l’affrontement mais bien les raisons de celui-ci. Agrippine ou la femme qui se rêve empereur de l’ombre refuse d’écouter le précepte selon lequel « Rome veut un maître, et non une maîtresse »2, de même que Junie refuse de comprendre que l’on puisse vouloir plus de mal à un homme, Britannicus, déjà dépossédé de tout. (suite…)

Bérénice

© Elizabeth Carecchio, photo de presse de l'Odéon, théâtre de l'Europe

« Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir »

Ce vers, de la plume de Corneille, essentialise ce qu’est Bérénice de Racine. Comment concilier cette exténuation des passions avec l’idée que Bérénice est une pièce écrite de « rien » et où il ne se passe « rien » ? Comment relever le défi de la mise en scène de cette nudité tragique ? Comment comprendre ces mots que Racine choisit pour dépeindre l’amour total qu’il poétise dans Bérénice ? (suite…)

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