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La Souffleuse

« comme le sens a besoin des mots, ainsi les mots ont besoin de notre voix »

Fanny et Alexandre

© Christophe Raynaud de Lage, photo de presse de la Comédie-Française

L’adaptation au théâtre de l’œuvre d’Ingmar Bergman, réalisée par Julie Deliquet, transmet une émotion toute particulière aux amoureux de l’art dramatique. Représenter ce qu’est la grande famille du théâtre en en découvrant les joies et les blessures, et ce au sein de la maison de Molière, possède une signification très forte. Ce symbolisme aurait pu aisément étouffer la pièce et la réduire au brillant hommage d’un art. Or, Julie Deliquet échappe à cet écueil, tout d’abord par la dureté des réalités dépeintes, mais aussi grâce à l’ingéniosité dont sa mise en scène fait preuve. Divisée en deux volets antagonistes dont l’opposition aurait pu rompre la cohérence de la pièce, un lien demeure, indéfectible : l’imagination et la capacité à croire. (suite…)

La Nuit des Rois ou tout ce que vous voudrez

© Jean-Louis Fernandez, photo de presse de la Comédie-Française

Les comédies méritent et demandent qu’on les mette en scène. Ostermeier le prouve une nouvelle fois à son public en choisissant de monter la Nuit des Rois ou tout ce que vous voudrez à la Comédie Française. Texte shakespearien d’autant plus difficile d’accès qu’il repose sur l’humour, il est ici révélé par la mise en scène exubérante et jubilatoire qu’en propose le metteur en scène allemand. En effet, ce drame de la représentation est une farce aussi cruelle que drôle et qui rappelle à son spectateur à quel point le rire est puissant, et donc bien souvent destructeur. Complice d’une violence tout d’abord latente puis explicite, le rire du spectateur le rend coupable de la méchanceté perverse qu’il voit s’exprimer devant lui. Il s’agit pourtant d’une pièce où l’on rit vraiment et Laurent Stocker et Christian Montenez s’en donnent à cœur joie, mêlant folie, grossièreté, esprit et lucidité. L’aspect contemporain de certains sketchs est ici bienvenu, et placé dans la bouche des fous, il sous-entend que la conscience sociale de l’époque leur appartient et qu’en un sens, c’est à eux que nous devrions prêter attention. (suite…)

Britannicus

© Brigitte Enguérand, photo de presse de la Comédie-Française

D’Agrippine, de Junie ou d’Octavie, quel nom choisir pour esquisser le sujet imprévu du Britannicus de Racine : les femmes ? La mise en scène de Stéphane Braunschweig épouse l’étrange paradoxe de cette lutte fratricide pourtant délivrée par la main de ces exclues omniprésentes. Agrippine, convaincante Dominique Blanc, ouvre le chant du « monstre naissant »1 dans l’antichambre du pouvoir : cependant, si cette tragédie a souvent été présentée comme intimiste, préférant à la tribune les coulisses, son sujet n’en demeure pas moins hautement politique et il serait ici dommage de dissocier l’affaire de famille et l’affaire d’Etat. Le squelette de la table ovale désertée, où siègent d’habitude les ministres, tantôt apparaissant de front ou obscurcie d’un voile trompeur, demeure le lieu de décisions et d’actions qui auront une répercussion publique indéniable. Les personnages féminins structurent les relations entre les hommes et ne sont pas de simples prétextes à l’affrontement mais bien les raisons de celui-ci. Agrippine ou la femme qui se rêve empereur de l’ombre refuse d’écouter le précepte selon lequel « Rome veut un maître, et non une maîtresse »2, de même que Junie refuse de comprendre que l’on puisse vouloir plus de mal à un homme, Britannicus, déjà dépossédé de tout. (suite…)

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