Qui n’a pas un jour rêvé de rencontrer ses idoles ? Qui n’a pas été fasciné par les morts violentes, frappées de tabou, de jeunes comètes qui se désintègrent avant d’avoir atteint leur apogée ? Ici, cette mort violente a un nom et une cause désormais connus : le sida. Et c’est Christophe Honoré qui nous dévoile son rêve le temps d’une soirée, afin de rencontrer les Jacques Demy, Bernard-Marie Koltès, Jean-Luc Lagarce ou autres artistes tous morts sous la même étoile, à 59, 41 ou 38 ans. Dialogue d’abord loufoque entre ces monstres du cinéma, de la littérature ou du journalisme, le spectacle (qui se veut tel, comme le dénote la présence des microphones) hésite entre bizarrerie assumée, humour tendre et émotion et fait doucement surgir la question de la responsabilité de l’artiste. Que faire de son homosexualité et de sa maladie, dans le cas de nos personnages, lorsque l’on est une personne publique ? Doit-on les instrumentaliser, comme diraient les réfractaires à une telle pratique, afin d’attirer l’attention sur une maladie, dont la proportion de malades ne baisse pas, et éveiller ainsi les consciences ? Un artiste peut-il taire son orientation sexuelle ou doit-il user de sa position sociale et parler au nom de ceux privés de voix ? Les six artistes présentés ont tous réagi de manière différente et le débat reste un débat ouvert, aussi parce qu’il demeure extrêmement douloureux. Entre refus de reconnaître son homosexualité (soit par lâcheté, soit par ce que l’on pourrait juger d’anti-narcissisme), affirmation haut et fort et déclaration voulue informelle, il n’y a pas de « bonne méthode ». (suite…)