D’Agrippine, de Junie ou d’Octavie, quel nom choisir pour esquisser le sujet imprévu du Britannicus de Racine : les femmes ? La mise en scène de Stéphane Braunschweig épouse l’étrange paradoxe de cette lutte fratricide pourtant délivrée par la main de ces exclues omniprésentes. Agrippine, convaincante Dominique Blanc, ouvre le chant du « monstre naissant »1 dans l’antichambre du pouvoir : cependant, si cette tragédie a souvent été présentée comme intimiste, préférant à la tribune les coulisses, son sujet n’en demeure pas moins hautement politique et il serait ici dommage de dissocier l’affaire de famille et l’affaire d’Etat. Le squelette de la table ovale désertée, où siègent d’habitude les ministres, tantôt apparaissant de front ou obscurcie d’un voile trompeur, demeure le lieu de décisions et d’actions qui auront une répercussion publique indéniable. Les personnages féminins structurent les relations entre les hommes et ne sont pas de simples prétextes à l’affrontement mais bien les raisons de celui-ci. Agrippine ou la femme qui se rêve empereur de l’ombre refuse d’écouter le précepte selon lequel « Rome veut un maître, et non une maîtresse »2, de même que Junie refuse de comprendre que l’on puisse vouloir plus de mal à un homme, Britannicus, déjà dépossédé de tout. (suite…)