Stéphane Braunschweig nous propose cette saison une adaptation étonnante de la pièce maudite de Shakespeare, Macbeth. Titan qui résiste encore à ses lecteurs, spectateurs et metteurs en scène, le choix de cette pièce est un défi, tant par l’humanité noire qu’elle nous laisse entrevoir, que par sa difficulté esthétique et technique à être montée. En effet, le surnaturel, ou Destin, y joue un rôle important : sorcières, spectres et bois qui marchent, entourent la scène d’une brume glaçante au travers de laquelle il est difficile alors de décider du vrai, du faux et du monstrueux.
Or ici, à la surprise de nombreux, la terreur est absente. La peur, aussi, même si elle pointe le bout de son nez par moments. Le metteur en scène fait le pari du grotesque pour ce drame de la responsabilité. Choix déroutant qui laisse bien des spectateurs en retrait, les empêchant d’adhérer à une histoire à laquelle ils ne comprennent plus l’enjeu.
La scène est divisée en deux pôles : l’un est froid et impersonnel, fait de carreaux blancs, souvent désigné comme espace des apartés et donc de l’intériorité des personnages, tandis que l’autre, table bruyante et mondaine, richement parée, semble être le reflet des relations hypocrites où les apparences sont parfois difficiles à conserver. Le motif du contraire, si souvent abordé dans la pièce, est principe du décor. Le spectateur ne sait plus où il se trouve, dans l’Ecosse dont les noms résonnent étrangement à ses oreilles ou dans une dictature moderne où les princes portent encore des « armures ». Les sorcières qui accueillent le spectateur sont enceintes d’un avenir incertain, mais à l’image de leurs enfants de plastique, elles n’apparaissent que coquilles vides et purs fantasmes de Macbeth. Le metteur en scène renonce ainsi à les faire figurer dans la lande et les limite à l’espace carrelé de l’esprit malade de Macbeth, le surnaturel terrifiant se résumant aux bruits d’orage qui séparent les actes.
Chloé Réjon livre une performance très sexualisée de Lady Macbeth qui sombre dans le tragique de la folie tandis qu’Adama Diop incarne celui qui ne veut plus voir et qui en rit. Le rire est dangereux, et peut-être aurait-il dû, à l’instar du texte lui-même, se limiter à l’intermède central du portier, traduit et adapté de manière contemporaine. Comment penser la nature de l’homme si celui-ci est réduit à une marionnette aveugle ? Comment envisager le meurtre d’un enfant, si sa mise en scène ne déclenche aucune terreur, alors même qu’il est censé être son paroxysme ? Pourquoi faire le choix du sang et de la brutalité (la tête de Macbeth présentée en trophée), très anglo-saxons, quand la terreur même est absente du choix interprétatif ? Ces questions demeurent irrésolues et attachées à un sentiment de frustration lié à cette mise en scène qui ne parvient pas à résoudre, ou seulement dire, les enjeux du texte.
Pour en savoir plus : http://www.theatre-odeon.eu/fr/2017-2018/spectacles/macbeth
D’abord publié sur http://www.culture-sorbonne.fr/macbeth/