Peindre l’onirique des origines, tel semble être le projet de Robert Lepage et des acteurs du Théâtre du soleil à l’occasion de la représentation de Kanata. La pièce se propose en effet de retracer à petites touches l’histoire des autochtones canadiens, du rêve d’un homme en harmonie avec son milieu au cauchemar du déracinement. Comment témoigner du sentiment de déplacement, alors même que l’on demeure au sein de sa « nation » ? Le metteur en scène et les acteurs deviennent ici créateurs d’espaces au sein d’une ingénierie qui touche au génie : jamais un endroit ne demeure le même, jamais un objet ne se réduit à sa seule fonction. De ce mouvement incessant naît une ivresse, parfois effrayante et source de perdition mais de laquelle bien souvent émerge la plus pure poésie. Les images de la barque glissant sur l’eau, la maîtrise esthétique parfaite des décors filmés ou encore la danse ébauchée des corps transportent le spectateur en un ailleurs poétique. Prendre le temps de la beauté dans un spectacle marqué par une grande violence est un parti pris salvateur. (suite…)