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La Souffleuse

« comme le sens a besoin des mots, ainsi les mots ont besoin de notre voix »

Kanata – Episode I – La Controverse

© Michèle Laurent, photo de presse du Théâtre du Soleil

Peindre l’onirique des origines, tel semble être le projet de Robert Lepage et des acteurs du Théâtre du soleil à l’occasion de la représentation de Kanata. La pièce se propose en effet de retracer à petites touches l’histoire des autochtones canadiens, du rêve d’un homme en harmonie avec son milieu au cauchemar du déracinement. Comment témoigner du sentiment de déplacement, alors même que l’on demeure au sein de sa « nation » ? Le metteur en scène et les acteurs deviennent ici créateurs d’espaces au sein d’une ingénierie qui touche au génie : jamais un endroit ne demeure le même, jamais un objet ne se réduit à sa seule fonction. De ce mouvement incessant naît une ivresse, parfois effrayante et source de perdition mais de laquelle bien souvent émerge la plus pure poésie. Les images de la barque glissant sur l’eau, la maîtrise esthétique parfaite des décors filmés ou encore la danse ébauchée des corps transportent le spectateur en un ailleurs poétique. Prendre le temps de la beauté dans un spectacle marqué par une grande violence est un parti pris salvateur. (suite…)

Les Idoles

© Jean-Louis Fernandez, photo de presse de l'Odéon, théâtre de l'Europe

Qui n’a pas un jour rêvé de rencontrer ses idoles ? Qui n’a pas été fasciné par les morts violentes, frappées de tabou, de jeunes comètes qui se désintègrent avant d’avoir atteint leur apogée ? Ici, cette mort violente a un nom et une cause désormais connus : le sida. Et c’est Christophe Honoré qui nous dévoile son rêve le temps d’une soirée, afin de rencontrer les Jacques Demy, Bernard-Marie Koltès, Jean-Luc Lagarce ou autres artistes tous morts sous la même étoile, à 59, 41 ou 38 ans. Dialogue d’abord loufoque entre ces monstres du cinéma, de la littérature ou du journalisme, le spectacle (qui se veut tel, comme le dénote la présence des microphones) hésite entre bizarrerie assumée, humour tendre et émotion et fait doucement surgir la question de la responsabilité de l’artiste. Que faire de son homosexualité et de sa maladie, dans le cas de nos personnages, lorsque l’on est une personne publique ? Doit-on les instrumentaliser, comme diraient les réfractaires à une telle pratique, afin d’attirer l’attention sur une maladie, dont la proportion de malades ne baisse pas, et éveiller ainsi les consciences ? Un artiste peut-il taire son orientation sexuelle ou doit-il user de sa position sociale et parler au nom de ceux privés de voix ? Les six artistes présentés ont tous réagi de manière différente et le débat reste un débat ouvert, aussi parce qu’il demeure extrêmement douloureux. Entre refus de reconnaître son homosexualité (soit par lâcheté, soit par ce que l’on pourrait juger d’anti-narcissisme), affirmation haut et fort et déclaration voulue informelle, il n’y a pas de « bonne méthode ». (suite…)

Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent

© Les Gémeaux : Scène Nationale-Sceaux, photo de presse

« Etre ou ne pas être », telle n’est plus la question. Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent, pièce donnée au Théâtre des Gémeaux, propose une réponse existentialiste à ce dilemme de l’introspection. Il n’est plus ici question d’être, mais bien d’exister. Hamlet fait le choix de la vie, le choix de l’amour et de l’avenir. Cette relecture séduisante d’un personnage qui sort de lui-même pour dépasser sa paralysie traumatique, pour s’ouvrir à une hérédité qui commence avec lui et qui ne s’embarrasse plus d’un passé empoisonné, n’est malheureusement pas exploitée jusqu’au bout. L’amour solaire des deux jeunes amants, en passe de devenir parents, est abîmé par l’omniprésence de l’inceste et par une destinée toute Œdipienne. Qui croit pouvoir échapper à son destin, au déterminisme de sa condition ou de sa famille, se trompe. En cela, la relecture de Benjamin Porée se révèle sans doute être moins novatrice qu’espérée. (suite…)

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